La Législative

Octobre 1791 – Notre Député reprend ses Activités dans la Paroisse

 

À quelle date rejoint-il sa paroisse ? Je ne saurais vous le dire, mais, le 30 octobre il administre les derniers sacrements à Marie, veuve de François Roscop.

 

Archives municipales de Moulins

 

30 Octobre 1791 -  Jacques Nicolas Gouyer prête Serment à Sainte-Ruffine

 

Sous l'Ancien Régime, la pléthore des vocations sacerdotales ainsi que l'accaparement des prébendes (revenus ecclésiastiques attachés à un canonicat) par les fils de famille, nuisaient à la promotion du bas-clergé. Aussi,  beaucoup de vicaires blanchissaient-ils sous le harnais ; situation plus enviable que celle de prêtre habitué.

Nous pouvons assimiler les vicaires, qui ne percevaient que la portion congrue, aux allocataires actuels du SMIG (Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti) ; les habitués, aux chômeurs en fin de droit, voire aux intérimaires. Consultons deux dictionnaires, celui de Antoine Furetière (fin du XVIIe) et le Littré (XIXe) :

 

« Habitué. s(ubstantif) m(asculin). Prestre qui s’attache volontairement au service d’une Parroisse (sic), qui y va dire la Messe ou l’Office. »

 

« Prêtre habitué, ecclésiastique attaché au service d’une paroisse, sans avoir charge ni dignité dans l’église de cette paroisse. »

 

Au printemps de 1790, environ cinquante pour cent des membres du clergé séculier se refusèrent à prêter le serment ; la moitié des cures se trouvèrent, de ce fait, vacantes. Les jeunes vicaires, favorables au nouveau régime, profitèrent de cette aubaine ; Nicolas Tourelle, entre autres. Élu curé constitutionnel de Chesny, le 9 mai 1791, il s'occupe de Chesny et de Sainte-Ruffine jusqu'à la nomination de son remplaçant, en octobre de la même année.

Le nouveau desservant de Sainte-Ruffine, Jacques-Nicolas Gouyer, « chargé d'une commission de vicaire à Sainte-Ruffine » ne peut commencer aucune fonction de son ministère avant d'avoir prêté le serment « voulu par le décret de l'assemblée nationale et sanctionné par le roi ».

 

Archives municipales de Sainte-Ruffine

 

29 Novembre 1791 - Les Suspects de Révolte

 

L'Assemblée législative élabora, le 29 novembre 1791, un décret destiné à réduire le nombre des prêtres insermentés. La loi leur supprimait dorénavant toutes les pensions allouées au titre de la vente des biens ecclésiastiques, leur interdisait de célébrer le culte divin, dans les lieux publics et privés, les déclarait « suspects de révolte », les assignait à résidence dans une autre commune et leur infligeait, le cas échéant, deux ans de détention.

Le 19 décembre, le roi, usant de son droit de veto que lui conférait la constitution, ne signa pas le décret, mais déclara :

 

« Je fais ce que tout le monde désire pour qu'on fasse une fois ce que je veux. »

 

Si l'Assemblée s'inclina, l'opinion publique s'indigna. Depuis cet événement, elle surnomma Louis XVI « Monsieur Veto ».

Le décret comprend un préambule et 19 articles. Je ne reprends que 3 articles : le premier, le dix-huitième et le dix-neuvième :

 

 «L'Assemblée nationale ayant décrété préalablement l'urgence, décrète définitivement ce qui suit :

 Art. 1er

Dans la huitaine à compter de la publication du présent décret, tous les ecclésiastiques, autres que ceux qui se sont conformés au décret du 27 novembre dernier, seront tenus de se présen­ter par devant la municipalité du lieu de leur domicile, d'y prêter le serment civique dans les termes de l'article 5 du titre II de la Constitu­tion, et de signer le procès-verbal qui en sera dressé sans frais.

 Art . 18

Comme il importe surtout d'éclairer le peuple  sur les pièges qu'on ne cesse de lui tendre au sujet d'opinions prétendues religieuses, l'Assemblée nationale exhorte tous les bons esprits à renouveler leurs efforts, et à multiplier leurs instructions contre le fanatisme. Elle déclare qu'elle regardera comme un bienfait public les bons ou­vrages à la portée des citoyens des campagnes, qui lui seront adressés sur cette matière impor­tante ; et d'après le rapport qui lui en sera fait, elle fera imprimer et distribuer ces ouvrages aux frais de l'Etat, et récompensera les au­teurs.

Art . 19

Le présent décret sera porté dans le jour à la sanction. »

 

27 Mai 1792 - Le  Nouveau Veto du roi au Décret de Déportation des Prêtres

 

Revenant à la charge quelques mois plus tard, l'Assemblée mit au point, le 27 mai 1792, un décret condamnant les prêtres insermentés à la déportation, sur simple dénonciation de vingt citoyens, et le présenta au roi. Le souverain, usant de son droit constitutionnel, y opposa son veto. Des pétitions circulèrent dans Paris, demandant la suppression du droit de veto. Le 20 juin, la foule parisienne, armée de piques, de sabres, de couteaux, brandissant des pancartes dont certaines portaient « A bas le veto », envahit les Tuileries et défila devant le roi, lui-même coiffé d'un bonnet rouge. Malgré cette manifestation d'envergure, Louis XVI maintint son droit de veto. L'échec de cette journée entraîna, le 10 août, la prise du palais des Tuileries et la chute de la royauté.

Le décret comprend un préambule et 19 articles. Je ne reprends que le préambule ainsi que le premier article :

 

« L’Assemblée nationale législative.

Décret d'urgence.

L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Douze, considérant que les troubles excités dans le royaume par des ecclésiastiques non-sermentés, exigent qu'elle s'occupe sans délai des moyens de les réprimer, décrète qu'il y a urgence.

Décret définitif.

L'Assemblée nationale, considérant que les efforts auxquels se livrent constamment les ec­clésiastiques non-sermentés pour renverser la Constitution, ne permettent pas de supposer à ces ecclésiastiques la volonté de s'unir au pacte social, et que ce serait compromettre le salut public que de regarder plus longtemps comme membres de la société, des hommes qui cher­chent évidemment à la dissoudre ; considérant que les lois pénales sont sans force contre ces hommes qui, agissant sur les consciences pour les égarer, dérobent presque toujours leurs manoeuvres criminelles aux regards de ceux qui pourraient les faire réprimer et punir ; après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :

Art. 1".

La déportation des ecclésiastiques inser­mentés aura lieu, comme mesure de sûreté publique, et de police générale, dans les cas et suivant les formes énoncées ci-après. »

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

7 Août 1792 – La première Mairie de Moulins

 

Avant la Révolution, les réunions des assemblées municipales se déroulaient soit au château, soit au presbytère, suivant la présidence : le seigneur du lieu ou le curé. Pendant la Révolution, elles avaient lieu souvent dans l’église paroissiale. Référons-nous, à présent, à ce document :

 

« Le procureur a dit que conformément à la loi de ce jour relative aux assemblées administratives et municipales qui ordonne qu’elles seront à jour fixe donc chaque semaine, que celles de ce lieu de Moulins se feront tous les lundis de chaque semaine à commencer demain huit heures du matin, pour continuer de semaine en semaine à la susdite heure dans une des salles du presbytère et qu’en conséquence il serait cejourdhui affiché à la porte de l’église de ce lieu pour que le public s’y conforme… »

 

Cette délibération se déroule un dimanche.

 

Archives municipales de Moulins

 

14 Août 1792 - Le Serment civique

 

Avec la déchéance du roi, le pouvoir exécutif disparaissait. Aussi l'Assemblée législative, avant la mise en place de la Convention, créa-t-elle un Conseil exécutif provisoire, de tendance anticléricale. Danton, ministre de la Justice dans ce Conseil, en était le chef. Le 26 août, l'Assemblée élabora une nouvelle loi1) condamnant à la déportation les prêtres réfractaires au serment civique, supprima les derniers ordres religieux autorisés et laïcisa l'état-civil.

La motion Voidel exigeait des prêtres, en 1790, la fidélité « à la Nation, à la Loi et au Roi ». Ce dernier déchu, il fallait relever les prêtres de ce serment et s'assurer de leur fidélité en exigeant un nouveau serment. Moins d'une semaine après la prise du palais des Tuileries, le pouvoir législatif votait, le 14 août, un décret « relatif au serment des fonctionnaires publics ». Le prêtre, fonctionnaire public, devait s'y soumettre, sous peine de déportation, en ces termes :

 

« Je jure d'être fidèle à la Nation et de maintenir la liberté et l'égalité ou de  mourir en la défendant. »

 

Les archives parlementaires nous le confirment :

 

« Un membre : Les événements du 10 août ont fait rentrer le pays dans une période nouvelle ; il est bon que tous les fonctionnaires reconnais­sent l'ère de liberté et d'égalité qui vient de s'ouvrir. Je demande que tout citoyen français, recevant traitement ou pension de l'Etat, soit censé y avoir irrévocablement renoncé, s'il ne justifie pas, dans la quinzaine de la publication du décret, que je sollicite de l'Assemblée, avoir prêté devant la municipalité du lieu de son do­micile, le serment prescrit.

  (L'Assemblée adopte cette proposition.)

 En conséquence, le décret suivant est rendu :

 Sur la motion d’un de ses membres, l'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :

« Que tout citoyen français, recevant traitement ou pension de l’Etat, sera censé à y avoir irrévocablement renoncé, s'il ne justifie pas que dans la quinzaine de la publication du présent décret il a prêté, devant la municipalité du lieu de son domicile, le serment suivant : Je jure d’être fidèle à la nation, et de maintenir la liberté et l'égalité ou de mourir en les défendant. » »

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

1) Voir 26 août 1792

 

18 Août 1792 – La Suppression des derniers Ordres religieux

 

Après la déchéance du roi, la guerre de religion prit une tournure plus radicale. Il s’agissait des congrégations enseignantes et hospitalières ; et ce, contrairement aux desiderata du tiers état. Le samedi 18 août, en séance du soir, la Législative qui siégeait en permanence depuis la chute de la royauté élabora un décret qui supprimait les dernières congrégations religieuses. Cette élaboration comprend quelque 5 titres :

 

Ø Titre 1 Suppression des congrégations séculières et des confréries (Préambule et 10 articles)

Ø Titre 2 De l’aliénation et de l’administration des biens des congrégations séculières, des collèges, des  confréries et autres associations supprimées (7 articles)

Ø Titre 3 Traitement des membres des congrégations séculières supprimées :

      Chapitre 1 Congrégations ecclésiastiques

§ 1 Congrégations vouées au culte et à la grande instruction (8 articles)

§ 2 Congrégations vouées au culte et à l’instruction hors des collèges et séminaires (11 articles)

             Chapitre 2 congrégations laïques

§1Laïques vouées à l’éducation (1 article)

§2 Congrégations laïques vivant du travail de leurs bras (6 articles)

      Chapitre 3 Frères (3 articles)

      Chapitre 4 Congrégations de filles (2articles)

Ø Titre 4 Traitement de  professeurs provisoires (3 articles)

Ø Titre 5 Dispositions générales (28 articles).

 

Huit jours séparent la promulgation de ce décret de la chute de la royauté. Si nous comparons le temps de son élaboration avec celui de la Constitution civile du Clergé, il nous faut admettre que :

 

Ø ce décret avait été préparé en sous-mains,

Ø la chute de la royauté, le 10 août, avait été programmée.

 

« TITRE Ier

Suppression des congrégations séculières et des confréries.

L'Assemblée nationale, après avoir entendu trois lectures du projet de décret sur la suppres­sion des congrégations séculières et des confré­ries, et décidé qu'elle était en état de délibérer définitivement ; considérant qu'un État vraiment libre ne doit souffrir dans son sein aucune cor­poration, pas même celles qui, vouées à l'en­seignement public, ont bien mérité de la patrie, et que le moment où le Corps législatif achève d'anéantir les corporations religieuses, est aussi celui où il doit faire disparaître à jamais tous les costumes qui leur étaient propres, et dont l'effet nécessaire serait d'en rappeler le souvenir, d'en retracer l'image, ou de faire penser qu'elles subsistent encore, décrète ce qui suit : »

Préambule du décret de la suppression des derniers ordres religieux

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

26 Août 1792 – La Déportation des « Ecclésiastiques non sermentés »

 

Dans un décret de 12 articles, l’Assemblée législative exige que les prêtres ayant refusé de prêter le « serment prescrit par la loi du 26 décembre 1790 … seront tenus de sortir, sous huit jours, hors des limites du district ou du département de leur résidence, et dans quinzaine (sic) hors du royaume. »

(Sommes-nous encore dans un royaume ? Oui ! Lors de sa première session publique, le 21 septembre 1792, la Convention nationale décrète que « la royauté est abolie en France. »)

« Passé le délai de quinze jours ci-devant prescrit, les ecclésiastiques non sermentés, qui n’auraient obéi aux dispositions précédentes, seront déportés à la Guyane française. »

 

« M. Benoleton, au nom du comité de législa­tion, présente la rédaction du projet de décret relatif à la déportation des prêtres insermentés. Cette rédaction est ainsi conçue :

L'Assemblée nationale, considérant que les troubles excités dans le royaume par les ecclé­siastiques non sermentés, est une des premières causes du danger de la patrie ;

que dans un moment où tous les Français ont besoin de leur union et de toutes leurs forces pour repousser  les ennemis  du dehors,  elle doit s'occuper de tous les moyens qui peuvent          

 assurer et garantir la paix dans l'intérieur, décrète qu'il y a urgence.

 L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :

 Article 1"

Tous les ecclésiastiques qui, étant assujettis au serment prescrit par la loi du 26 dé­cembre 1790, et celle du 17 avril 1791, ne l'ont pas prêté, ou qui, après l'avoir prêté, l'ont rétracté et ont persisté dans leur rétractation, seront tenus de sortir, sous huit jours, hors des limites du district et du département de leur résidence, et dans quinzaine hors du royaume; ces différents délais courront du jour de la pu­blication du présent décret. »

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

10 SEPTEMBRE 1792  - LA RÉQUISITION DES OBJETS DU CULTE EN OR ET EN ARGENT

 

« M. Loysel, au nom du comité des assignats et monnaies, présente un projet de décret relatif à la confection de l'inventaire des meubles, effets et ustensiles en or et en argent, employés au service du culte ; ce projet de décret est ainsi conçu :

L'Assemblée nationale, considérant que les meubles, effets et ustensiles en or et en argent, employés au service du culte dans les églises conservées, sont de pure ostentation et ne con­viennent nullement à la simplicité qui doit ac­compagner ce service ;

Que lorsque la patrie est en danger et que les besoins sont urgents, il est nécessaire d'y pourvoir par les ressources qui peuvent être uti­lement employées sans surcharger les citoyens ;

Que tous les objets dont les églises conser­vées sont actuellement garnies appartiennent incontestablement à la nation, qui a le droit d'en faire l'application réclamée par les   circonstances actuelles, décrète qu'il y a urgence.

         L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :

Art. Ier

Dans les 24 heures qui suivront la publication du présent décret, il sera fait, par des citoyens que choisiront les conseils généraux des com­munes et pris dans leur sein, un état exact et détaillé de tous les meubles, effets et ustensiles en or et en argent, qui se trouveront dans chaque église, soit cathédrale, paroissiale, suc­cursale, oratoire ou chapelle quelconque cet inventaire contiendra la désignation précise de chaque pièce, la nature et son poids. »

Archives parlementaires  / BNF – Gallica

 

Et suivent 9 autres articles

 

20 Septembre 1792 - L’État-civil et le Divorce

 

Lors de sa dernière session, l’Assemblée législative adopte le décret qui réforme l’état-civil qui existait en France depuis les ordonnances de Villers-Cotterêts, sous le règne de François, premier du nom, au cours du mois d’août 1539 :

 

« Art. 50. - Que des sépultures des personnes tenans bénéfices, sera faict registre en forme de preuve, par les chapitres, collèges, monastères et cures, qui fera foi, et pour la preuve du temps de la mort, duquel temps sera fait expresse mention esdicts registres, et pour servir au jugement des procès où il seroit question de prouver ledit temps de la mort, au moins, quant à la récréance.

Art. 51. - Aussi sera fait registres, en forme de preuve, des baptêmes, qui contiendront le temps et l'heure de le nativité, et par l'extrait dudict registre, se pourra prouver le temps de majorité ou minorité, et sera pleine foy à ceste fin.

Art. 52. - Et afin qu'il n'y ait faute auxdits registres, il est ordonné qu'ils seront signés d'un notaire, avec celui  desdicts chapitres  et  couvents, et avec  le  curé ou vicaire  général  respectivement, et

 chacun en son regard, qui seront tenus  de ce  faire, sur peine  des  dommages et  intérêts des parties, de grosses amendes envers nous.

Art. 53. - Et lesquels chapitres, couvents et cures, seront tenus mettre lesdicts registres par chacun an, par devers le greffe du prochain siège du baillif ou séneschal royal, pour y estre fidèlement gardés et y avoir recours, quand mestier et besoin sera.

Art. 54. - Et afin que la vérité du temps desdicts décès puisse encore plus clairement apparoir, nous voulons et ordonnons qu'incontinent après le décès desdicts bénéficiers, soit publié ledict décès, incontinent après icelui advenu par les domestiques du décédé, qui seront tenu le venir déclarer aux églises, où se doivent faire lesdictes sépultures et registres, et rapporter au vrai le temps dudict décès, sur peine de grosse punition corporelle ou autre, à l'arbitration de la justice.

Art. 55. - Et néantmoins, en tout cas, auparavant pouvoir faire lesdites sépultures, nous voulons et ordonnons estre faicte inquisition sommaire et rapport au vrai du temps dudit décès, pour sur l'heure, faire fidèlement ledict registre.

Art. 56. – Et défendons la garde desdicts corps décédés auparavant ladicte révélation, sur peine de confiscation de corps et de bien contre les laïz qui en seront trouvés coupables, et contre les ecclésiastiques, de privation de tout droit possessoire qu’ils pourroient prétendre ès bénéfices, ainsi vacans, et de grosse amende à l’arbitration de justice. »

 

Le clergé enregistrait ainsi tous les actes de l’état-civil : naissances et décès. Avant le concile de Trente (1545-1563), le mariage se faisait par le consentement des deux époux qui exprimaient librement leur volonté, par les « Paroles de futur », les fiançailles, puis par les « Paroles de présent », le mariage, consommé par l’acte sexuel. La bénédiction nuptiale n’était pas requise, mais préférable, puisqu’un mariage sans solennité ne formait qu’un mariage clandestin, mais valide. Le décret Tamesti du concile de Trente, lors de sa vingt-quatrième session (1563), interdit le consensualisme, « sacramentalise » le mariage, insiste sur sa solennité et proclame son indissolubilité.

L’assemblée du clergé ne reçut, motu proprio (de plein gré), le concile de Trente que le 17 juillet 1615. À partir de cette date, les enfants, issus des unions de réformés (mariages non valides), étaient considérés comme des bâtards, écartés de la succession de leurs parents…qui revenait aux autres membres de la famille. Cette anomalie ne prit fin que le 19 novembre 1787, par l’édit sur l’état-civil des non-catholiques de Louis XVI qui invitait les curés à inscrire, sur leurs registres, les naissances, mariages et décès des protestants, juifs et athées. Pour comprendre les motivations de l’Assemblée législative, à qui nous devons le nouveau décret sur l’état-civil, recourons au dictionnaire de la Révolution :

 

« Le 20 septembre 1792, pour soustraire la tenue des registres aux aléas des luttes religieuses de la prêtraille, elle décrète que la tenue des registres de naissances, de mariages et décès sera confiée aux officiers municipaux. Quant au mariage, sa substance est transformée par la disjonction radicale du sacrement et du contrat civil ainsi que par l’institution du divorce. La Convention, sur rapport de Cambacérès, reconnaît l’existence légale des enfants illégitimes, désormais curieusement dits « naturels », et leur permet d’intervenir dans la succession des parents pour moitié de la part des enfants légitimes, afin de «  favoriser l’institution du mariage ».»

 

Quelques articles du décret :

 

«L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation, les trois lectures du projet de décret sur le mode par le­quel les naissances, mariages et décès seront constatés, et avoir décrété qu'elle est en état de délibérer définitivement, décrète ce qui suit :

TITRE Ier Des officiers par qui seront tenus les registres des naissances, mariages et décès.

Art. Ier Les municipalités recevront et conserveront à l'avenir les actes destinés à constater

 les nais­sances, mariages et décès.

Art. 2 Les conseils généraux des communes nom­meront, parmi leurs membres, suivant l'étendue et la population des lieux, une ou plusieurs per­sonnes qui seront chargées de ces, fonctions.

Art. 3 Les nominations seront faites par la voie du scrutin et à la pluralité absolue. Elles seront publiées et affichées.

TITRE II De la tenue et dépôt des registres.

Art. Ier Il y aura dans chaque municipalité trois re­gistres pour constater, l'un les naissances, l'autre les mariages, le troisième les décès.

TITRE III Naissances.

 Art. Ier Les actes de naissance seront dressés dans les vingt-quatre heures de la déclaration qui sera faite par les personnes ci-après désignées, assistées de deux témoins de l'un ou de l'autre sexe, parents ou non parents, âgés de 21 ans.

Art. 2 En quelque lieu que la femme mariée accouche, si son mari est présent et en état d’agir,  il sera tenu de faire la déclaration.

Art. 3 Lorsque le mari sera absent ou ne pourra sera pas agir, ou que la mère ne sera pas mariée, le chirurgien ou la sage-femme qui auront fait l'accouchement seront obligés de déclarer la naissance.

Art. 4 Quand une femme accouchera, soit dans une maison publique, soit dans la maison d’autrui, la personne qui commandera dans cette maison, ou qui en aura la direction, sera tenue de déclarer la naissance.

TITRE IV Mariages.

SECTION Ière Qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage.

Art. Ier L'âge requis pour le mariage est 15 ans révolus pour les hommes, et 13 ans révolus

 

  pour les filles.

Art. 2 Toute personne sera majeure à 21 ans ac­complis.

Art. 3 Les mineurs ne pourront être mariés sans le consentement de leur père ou mère, ou pa­rents ou voisins, ainsi qu'il va être dit.

Art. 4 Le consentement du père sera suffisant.

SECTION II. Publications.

Art. ler  Les personnes majeures qui voudront se marier seront tenues de faire publier leurs pro­messes réciproques dans le lieu du domicile actuel de chacune des parties. Les promesses des personnes mineures seront publiées dans celui de leurs pères et mères ; et si ceux-ci sont morts ou interdits, dans celui où sera tenue l'assemblée de famille requise pour le mariage des mineurs.

Art. 3 Le mariage sera précédé d'une publication faite le dimanche à 1’heure de midi ; devant la porte extérieure et principale de la maison com­mune, par l'officier public. Le mariage ne pourra être contracté que 8 jours après cette publication.

SECTION III Oppositions.

Art. ler Les personnes dont le consentement est re­quis pour les mariages des mineurs, pourront seules s'y opposer.

Art. 2 Seront également reçus à former opposition aux mariages, soit des majeurs, soit des mineurs, les personnes déjà engagées par ma­riage avec l'une des parties.

Art. 3 Les parties se rendront dans la salle publique de la maison commune avec quatre té-

moins  majeurs,  parents ou  non parents,  sachant signer, s'il peut s’en trouver aisément dans le lieu qui sachent signer.

SECTION IV Des formes intrinsèques de l'acte de mariage.

 Art. ler L'acte de mariage sera reçu dans la maison commune du lieu de domicile de l'une des parties.

Les parties se rendront dans la salle pu­blique de la maison commune, avec quatre témoins majeurs, parents ou non parents, sachant signer, s’il peut s'en trouver aisément dans le lieu qui sachent signer.

SECTION V  Du divorce dans ses rapports avec les fonctions de l’officier public, chargé de constater l’état civil des citoyens.

Art. Ier Aux termes de la Constitution le mariage est dissoluble par !e divorce.

Art.2  La dissolution du mariage par le divorce sera prononcée par l’officier public, chargé de recevoir les actes de naissance, mariage et décès, dans la forme qui suit.

Art. 3 Lorsque deux époux demanderont conjointement le divorce, ils se présenteront accompagnés de quatre témoins majeurs, devant l’officier public, en la maison commune, aux jour et heure qu’il aura indiqués ; ils justifieront qu’ils ont observé les délais exigés par la loi sur le mode du divorce, ils représenteront l’acte de non conciliation qui aura dû leur être délivré par leurs parents assemblés ; et sur leur réquisition, l’officier public prononcera que leur mariage est dissous.

Art. 5 Si le divorce est demandé par l’un des conjoints seulement, il sera tenu de faire signifier à son conjoint un acte aux fins de le voir prononcer ; cet acte contiendra réquisition  de  se  trouver  en  la  maison  commune de  la municipalité  dans  l’étendue de laquelle le mari a son domicile, et devant l’officier public chargé des actes de naissance, mariage et décès dans le délai qui aura été fixé par cet officier ; ce délai ne pourra être moindre de trois jours, et en outre d’un jour par dix lieues, en cas d’absence du conjoint appelé.

Titre V Décès.

Art. Ier La déclaration du décès sera faite par les deux plus proches parents ou voisins de la personne décédée, à l’officier public, dans les 24 heures.

Art. 2 L’officier public se transportera au lieu où la personne sera décédée, et après s’être assuré du décès, il en dressera l’acte sur les registres doubles ; cet acte contiendra les prénoms, noms, profession et domicile du décédé, s’il était marié ou veuf ; dans ces deux cas les prénoms et noms de l’époux, les prénoms, noms, âge, profession et domicile des déclarants, et, au cas qu’ils soient parents, leur degré de parenté.

TITRE VI Dispositions générales.

Art. l Dans la huitaine, à compter de la publication du présent décret, le maire ou un officier municipal, suivant l’ordre de la liste, sera tenu, sur la réquisition du procureur de la commune, de se transporter, avec le secrétaire greffier, aux églises paroissiales, presbytères, et aux dépôts des registres de tous les cultes ; ils y dresseront un inventaire de tous les registres existants entre les mains des curés et autres dépositaires. Les registres courants seront clos et arrêtés par le maire ou officier municipal. »

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